ASILE (psychiatrie)

ASILE (psychiatrie)
ASILE (psychiatrie)

ASILE, psychiatrie

Le terme asile vient du grec asulon qui signifie lieu inviolable ou encore refuge. Il désigne principalement les établissements où sont soignés les malades mentaux. Les premiers asiles ont vu le jour en France au début du XIXe siècle. C’est le psychiatre français Esquirol, élève et disciple de Pinel, qui, dans son ouvrage présenté en 1819 au ministre de l’Intérieur, Des établissements des aliénés en France et des moyens d’améliorer le sort de ces infortunés , esquisse le projet d’édifier des bâtiments consacrés exclusivement aux soins des malades mentaux qui étaient, à cette époque, accueillis dans des établissements publics tels que les hospices, les hôpitaux, les dépôts de mendicité, les maisons de force. Les malades mentaux étaient en effet mêlés aux indigents comme aux criminels. Il préconise également la construction d’un de ces établissements par département, amorçant ainsi un des aspects de l’épidémiologie psychiatrique future. Esquirol, mû par le même élan philanthropique que ses prédécesseurs, entre autres Tenon, Pinel, et Tuke en Angleterre, propose de baptiser ces établissements du nom d’«asile»: «Il existe dans la plupart des maisons où sont reçus les aliénés des dénominations humiliantes [...] je voudrais qu’on donnât à ces établissements un nom spécifique qui n’offrît à l’esprit aucune idée pénible, je voudrais qu’on les nommât asile.»

La naissance de l’asile est le corollaire de la naissance de la psychiatrie. En effet, le XVIIIe et le XIXe siècle sont dominés par la volonté de classer les connaissances dans quelque domaine que ce soit et, parallèlement, d’organiser tous les secteurs administratifs et de les adapter aux besoins de la population. Aussi à la réforme philanthropique des hôpitaux et des prisons, amorcée sous Louis XVI et poursuivie pendant la Révolution, succède dès 1792 l’initiative d’une réforme des établissements des aliénés, manifestée en particulier par l’action du duc de La Rochefoucault-Liancourt, et les travaux écrits de Colombier et Tenon; le geste légendaire de Pinel, en 1792, d’ôter les chaînes aux malades les plus agités s’inscrit donc dans un mouvement d’intérêt humanitaire croissant porté à la condition des aliénés. Vers 1785, le premier quartier des incurables à la Salpêtrière est réalisé suivant les plans de l’architecte Viel; l’ensemble des bâtiments ressemble à une petite ville développée autour d’une place centrale. Un peu plus tard, Esquirol approuve cette conception sur le plan fonctionnel, mais il la dénonce toutefois dans son esprit, car persistaient dans les cellules les traces des moyens de force et de rétorsion employés à cette époque, et qui seront condamnés au XIXe siècle. Reprenant les recommandations d’Esquirol, l’administrateur Desportes publie en 1824 son programme pour un hôpital consacré au traitement de l’aliénation mentale — le contenu de ce texte avait été approuvé quelques années plus tôt par une délibération du Conseil des hospices.

L’art de construire des asiles pour les aliénés date de cette époque. Auparavant, des travaux avaient été entrepris en vue d’assainir des bâtiments, ou d’en créer pour satisfaire aux besoins de la population des aliénés, mais sans se référer à un système de construction propre. Le programme de Desportes est concrétisé par quelques bâtiments à la Salpêtrière et à Bicêtre. Mais c’est la reconstruction de l’hôpital de Charenton, en 1838, qui constitue la réalisation la plus achevée des vues d’Esquirol. Il a fallu pour cela attendre la promulgation de la loi de 1838 décrétant l’obligation de traiter les malades mentaux curables et de secourir les incurables tout en veillant à la protection de leurs biens. Le perfectionnement des institutions a été subordonné au progrès de la législation. L’asile devient alors véritablement un instrument de soins.

Les systèmes de construction des asiles français sont tous très proches des principaux établissements du système Esquirol-Desportes: la distribution des bâtiments repose essentiellement sur la volonté de distinguer les curables des incurables, puis ensuite sur celle de départager les différentes pathologies conformément à la clinique psychiatrique qui s’ébauche alors. Aussi l’asile est constitué de «quartiers»: sont ainsi séparés les curables des incurables, parmi ces derniers les calmes des agités; dans le quartier des curables, on sépare notamment les épileptiques, les convalescents, les travailleurs...; interviennent enfin les critères de séparations fondés sur le sexe et l’âge.

Les traits dominants de l’architecture sont les suivants: centralisation des bâtiments administratifs; des quartiers disséminés dans de vastes espaces et reliés par des galeries ou encore par des bâtiments contigus aux bâtiments administratifs; bâtiments à un étage ou deux au plus; un mur d’enceinte carré qui sépare l’asile du monde extérieur.

Il faut noter que tous ces établissements, réclamés vivement par les psychiatres (qui demandent la construction d’au moins un asile par département), n’ont été réalisés qu’au cours du troisième tiers du XIXe siècle. Or à l’élan philanthropique et libéral du début du siècle s’est substituée la logique de l’économie et de ses contraintes: alors que l’isolement à la campagne était considéré comme une des meilleures mesures thérapeutiques, cela devint un moyen, pour ces asiles conçus en vastes coopératives agricoles, d’éviter la charge économique du traitement des malades. Dans ces lieux retranchés du reste du pays, les malades et les soignants vivaient en économie fermée et constituaient une société avec ses propres règles où régnait notamment la figure dominante du médecin-chef qui assurait la discipline au sein de cette collectivité.

Au début du XXe siècle fut dénoncé le caractère antithérapeutique de cette ségrégation, facteur de chronicisation, de même que l’aspect totalitaire de l’institution asilaire. Ainsi se révélaient plusieurs contre-finalités constitutives du système asilaire : perte de l’autonomie; rationalisation de la servitude; adaptations secondaires (exemple: privilège obtenu en récompense d’un «bon» comportement).

En 1922 est créé l’hôpital Henri-Rousselle au sein de l’asile Sainte-Anne: le premier service libre fait son apparition. Désormais il existe des structures de soins pour des personnes qui demandent de leur propre chef un traitement et qui sont libres de l’interrompre à leur gré, comme dans tout autre service de médecine. En 1937, l’hôpital psychiatrique perd son appellation d’asile.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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